J'ouvris doucement les yeux, épuisée d'une nuit mouvementée. Je n'avais cessé de faire des cauchemars. Depuis son départ, je me sentais horriblement seule, horriblement triste, horriblement délaissée [Elle parle du départ de son ancien compagnon, et lieutenant]. Je me redressai sur mes pattes, tremblotantes. J'étais affamée, assoiffée : ma nuit m'avait été éprouvante, et je ne me nourrissais plus beaucoup. J'avançai d'un pas peu confiant vers l'extérieur de ma tanière. Le soleil levant, encore bas, m'éblouit un instant, mais je rétablis ma vision. Je devais faire bonne figure devant mon clan, et faire comme-ci tout allait bien. Mais, cela m'était difficile. Je m'approchai de la pile de gibier, et j'y pris une souris, fraîche. Je la dégustai seule, dans mon coin, jusqu'à ce que Feuille Étoilée, ma guérisseuse, vint me rejoindre. L'on discuta quelques instants, puis elle retourna auprès de son apprenti. Les troupes partaient une par une, me saluant, en passant devant moi. Je n'avais rien à faire, en cette journée. Je comptai bien, alors, me proposer pour la patrouille de l'après-midi ... Je ne fis pas grand-chose de ma matinée.
Lorsque vint l'après-midi, je rejoignis la patrouille, que je menais. On longea les frontières, surveillant nos ennemis. Dans ce monde, dans ces forêts, dans ces territoires, nous étions physiquement, les plus faibles et démunis. Même les plus gros, et les plus musclés d'entre nous ne pouvaient pas grand chose contre un renard, un loup, ou même un chien. Même petit. Cependant, nous étions les plus agiles, et nous passions facilement entre les pattes des plus grands. Malgré tout, nous ne nous laissions pas voir comme les plus faibles, on se battait, sans craindre nos ennemis.
A la fin de l'après-midi, on rentra au camp. Mais, je le quittai à nouveau après avoir fait un petit tour du camp. J'avais vérifié que chacun allait bien, que tout c'était bien passé dans le courant de la journée. Je sortais alors de notre petit camp, et je filai doucement entre les arbres, les oreilles droites, la queue haute, les poils dans le vent, la truffe aux alertes. Je restai prudente malgré tout. Nous n'étions jamais à l'abri d'une mauvaise rencontre.
Mes pensées étaient bien loin, et je m'arrêtai alors devant ce vieil arbre, appelé "L'arbre de Vie". Malgré son allure peu fière, à moitié déraciné, je le trouvais plus que magnifique, et il représentait beaucoup. Il me donnait toujours confiance en moi. Je m'y assis, le contemplant, pensive. Je me fis une toilette rapide. Le soleil déclinait doucement en arrière plan. Une légère brise caressait mon pelage, et mes yeux bleus restaient fixés sur les magnifiques feuilles vertes de cet arbre se dressant fièrement devant moi.
Soudainement, je tournai la tête. Je n'avais pas remarqué l'odeur d'un autre chat non-loin de moi. Je mis quelques secondes à le repérer, et je demandai d'une voix sage, douce, calme, et basse :
"Qui est-ce ? Cœur du Volcan, c'est toi ?"
Je n'étais pas inquiète, je n'avais pas peur. C'était une odeur familière. Même si je m'étais trompée, c'était quelqu'un du Clan, je n'avais rien à craindre. A moins d'une belle feinte, et d'une belle ruse. Mais, je n'y songeai pas un seul instant ...